Les Bassa : un peuple au cœur de l’histoire et de la culture camerounaise

Le Cameroun est une mosaïque de peuples, de langues et de cultures. Parmi ces communautés qui composent la richesse de ce pays, les Bassa occupent une place particulière. Répartis principalement dans les régions du Littoral et du Centre, notamment dans le Nyong-et-Kéllé où se situe Hikoadjom, les Bassa constituent l’un des groupes ethniques majeurs du Cameroun. Leur histoire, leurs traditions, leur langue et leur apport à la société camerounaise méritent une attention particulière pour mieux comprendre l’identité de ce peuple authentique.


Origines et histoire des Bassa

L’histoire des Bassa remonte à plusieurs siècles. Selon les traditions orales, ce peuple aurait migré du nord-est de l’Afrique avant de s’installer progressivement dans les régions actuelles du Cameroun. Leur présence est fortement marquée dans le bassin du fleuve Nyong, mais aussi autour de Douala, Édéa, Pouma, et une partie de Yaoundé.

Les Bassa sont connus pour avoir été de farouches résistants à la colonisation allemande et française. Pendant la période coloniale, ils ont joué un rôle important dans les mouvements de contestation et de revendication pour l’indépendance. Des figures historiques comme Ruben Um Nyobè, leader de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), sont issues de cette communauté. Aujourd’hui encore, le souvenir de cette résistance nourrit la fierté et l’identité collective des Bassa.


La langue Bassa

La langue des Bassa, appelée Bassaá ou Mbene, fait partie du groupe bantou. Elle est parlée par plusieurs centaines de milliers de personnes, principalement dans le Centre et le Littoral.

Le Bassa n’est pas seulement un moyen de communication, c’est aussi un vecteur de mémoire et de culture. Les proverbes, les contes, les chants et les poèmes sont transmis en Bassa, ce qui en fait un patrimoine immatériel précieux. De nombreux efforts sont en cours pour préserver et valoriser cette langue, notamment à travers la littérature, les associations culturelles et même certains médias locaux.


La structure sociale et familiale

La société Bassa est organisée autour de la famille et du clan. Le système est fondamentalement patrilinéaire, ce qui signifie que l’appartenance au clan se transmet par le père. Les anciens jouent un rôle central dans la prise de décisions et la transmission des savoirs.

L’organisation communautaire favorise la solidarité. Chaque membre a un rôle précis dans la vie du groupe : les jeunes apprennent auprès des aînés, les femmes assurent une grande partie des travaux agricoles et domestiques, tandis que les hommes s’occupent des travaux lourds et des activités de chasse ou de pêche.


Les activités économiques

Traditionnellement, les Bassa sont un peuple d’agriculteurs. Leurs terres fertiles leur permettent de cultiver le manioc, le maïs, le plantain, l’arachide et l’igname. Le cacao et le café représentent également des cultures de rente importantes introduites pendant la colonisation.

À côté de l’agriculture, la pêche et la chasse font partie des activités traditionnelles, notamment dans les zones proches du fleuve Nyong et de ses affluents. L’artisanat (vannerie, sculpture sur bois, fabrication d’outils) est également un pilier économique et culturel, qui continue aujourd’hui de séduire par sa créativité.


La spiritualité et les traditions

Les Bassa ont une spiritualité profondément enracinée dans la relation avec les ancêtres et les forces de la nature. Les rites initiatiques, comme le Mbog, occupent une place centrale. Le Mbog est plus qu’un simple rituel : c’est un ensemble de valeurs morales et spirituelles qui enseignent la droiture, la discipline et le respect de la communauté.

Les cérémonies traditionnelles sont souvent accompagnées de musique et de danse. Les tambours et les xylophones (appelés mendzang) rythment les fêtes et créent une atmosphère unique. Ces moments festifs permettent à la communauté de se rassembler, de transmettre des valeurs et de renforcer son unité.


La gastronomie Bassa

La cuisine Bassa reflète l’abondance de leur terroir. Le bâton de manioc, appelé bobolo, est l’aliment de base, accompagné de sauces à base d’arachides, de légumes ou de poissons d’eau douce. Le plantain rôti ou bouilli, les mets à base de maïs et l’utilisation d’épices locales enrichissent cette gastronomie variée.

Les repas ne sont pas seulement un moment de consommation, mais aussi de partage et de convivialité. Dans la culture Bassa, manger ensemble renforce les liens familiaux et sociaux.


L’apport des Bassa à la société camerounaise

Au-delà de leurs traditions, les Bassa ont contribué de manière significative à l’histoire politique, culturelle et sociale du Cameroun. Des leaders politiques, des intellectuels, des artistes et des sportifs de renom sont issus de cette communauté.

Sur le plan artistique, les Bassa se distinguent par leurs contes, leurs chants polyphoniques et leur poésie. Leur musique traditionnelle continue d’influencer les artistes contemporains, tandis que leurs danses traditionnelles sont mises en valeur lors de festivals culturels.


Les défis contemporains

Comme beaucoup d’autres peuples au Cameroun, les Bassa font face à des défis liés à la modernité. L’exode rural, la perte progressive des traditions, la pression foncière et la déforestation fragilisent leur mode de vie ancestral.

Cependant, de nombreuses initiatives locales cherchent à préserver ce patrimoine : associations culturelles, projets éducatifs en langue Bassa, festivals traditionnels, ou encore mise en valeur du tourisme rural dans des villages comme Hikoadjom. Ces actions visent à transmettre aux jeunes générations la fierté de leur identité.


Les Bassa ne sont pas seulement un groupe ethnique du Cameroun : ils sont les gardiens d’une mémoire, d’une culture et d’un mode de vie qui enrichissent l’ensemble du pays. Leur histoire, marquée par la résistance et la dignité, leur langue vivante, leurs traditions ancestrales et leur contribution à la société moderne font d’eux un peuple incontournable pour comprendre l’identité camerounaise.

Visiter un village comme Hikoadjom, au cœur du Nyong-et-Kéllé, c’est entrer dans l’univers des Bassa, découvrir leur hospitalité et expérimenter de près la richesse d’un patrimoine à la fois ancien et tourné vers l’avenir.